Évangile selon Saint Jean
PROLOGUE. Le Verbe fait chair. [I, 1 — 18.]
1
Préface générale : Le Verbe dans ses rapports avec Dieu, le monde créé, et les hommes (1-5) — Préface historique : Le Précurseur et la manifestation du Verbe (6-13) — L’Incarnation et ses fruits (14-18).
Au commencement* était le Verbe,
et le Verbe était en Dieu,
et le Verbe était Dieu.
Il était au commencement en Dieu.
Tout par lui a été fait,
et sans lui n’a été fait
rien de ce qui existe.
En lui était la vie,
et la vie était la lumière des hommes,
Et la lumière luit dans les ténèbres,
et les ténèbres ne l’ont pas reçue.
Il y eut un homme,
envoyé de Dieu ;
son nom était Jean.
Celui-ci vint en témoignage,
pour rendre témoignage à la lumière,
afin que tous crussent par lui :
non que celui-ci fût la lumière,
mais il avait à rendre témoignage à la lumière.
La lumière, la vraie,§
celle qui éclaire tout homme,
venait dans le monde.
10 Il (le Verbe) était dans le monde,
et le monde par lui a été fait,
et le monde ne l’a pas connu.
11 Il vint chez lui,
et les siens ne l’ont pas reçu.
12 Mais quant à tous ceux qui l’ont reçu,*
Il leur a donné le pouvoir
de devenir enfants de Dieu,
à ceux qui croient en son nom,
13 Qui non du sang,
ni de la volonté de la chair,
ni de la volonté de l’homme,
mais de Dieu sont nés.
14 Et le Verbe s’est fait chair,
et il a habité parmi nous,
(et nous avons vu sa gloire,
gloire comme celle qu’un fils unique tient de son Père)
tout plein de grâce et de vérité.
15 Jean lui rend témoignage,
et s’écrie en ces termes :
« Voici celui dont je disais :
Celui qui vient après moi,
est passé devant moi,
parce qu’il était avant moi. »§
16 Et c’est de sa plénitude,
que nous avons tous reçu,
et grâce sur grâce ;*
17 parce que la loi a été donnée par Moïse,
la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ.
18 Dieu, personne ne le vit jamais :
le Fils unique,
qui est dans le sein du Père,
c’est lui qui l’a fait connaître.
 
PREMIÈRE PARTIE. [I, 19 — XII, 50.] MANIFESTATION DE LA GLOIRE DIVINE DE JÉSUS DURANT SA VIE PUBLIQUE.
SECTION 1 [I, 19 — IV.] Gloire de Jésus reconnue par les hommes de bonne volonté.
1. Chap. i, 19-34. Deux témoignages de S. Jean-Baptiste.
(Mat 3,1-12; Mrc 1,2-8; Luc 3,1-20)
19 Et voici le témoignage que rendit Jean, lorsque les Juifs envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : « Qui es-tu ? » 20 Il déclara, et ne le nia pas ; il déclara : « Je ne suis pas le Christ. » 21 Et ils lui demandèrent : « Quoi donc ! Es-tu Élie ? » Il dit : « Je ne le suis pas — Es-tu le prophète ? » Il répondit : « Non. — 22 Qui es-tu donc, lui dirent-ils, afin que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu de toi-même ? » 23 Il répondit : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Aplanissez le chemin du Seigneur, comme l’a dit le prophète Isaïe. »§ 24 Or ceux qu’on lui avait envoyés étaient des Pharisiens. 25 Et ils l’interrogèrent, et lui dirent : « Pourquoi donc baptises-tu, si tu n’es ni le Christ, ni Élie, ni le Prophète ? » 26 Jean leur répondit : « Moi je baptise dans l’eau ; mais au milieu de vous il y a quelqu’un que vous ne connaissez pas, 27 c’est celui qui vient après moi ; je ne suis pas digne de délier la courroie de sa chaussure. »* 28 Cela se passait à Béthanie, au delà du Jourdain, où Jean baptisait.
29 Le lendemain, Jean vit Jésus qui venait vers lui, et il dit : « Voici l’agneau de Dieu, voici celui qui ôte le péché du monde. 30 C’est de lui que j’ai dit : un homme vient après moi, qui est passé devant moi, parce qu’il était avant moi.
(Mat 3,13-17; Mrc 1,9-11; Luc 3,21-22)
31 Et moi, je ne le connaissais pas, mais c’est afin qu’il fût manifesté à Israël, que je suis venu baptiser dans l’eau. »
32 Et Jean rendit témoignage en disant : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe, et il s’est reposé sur lui. 33 Et moi, je ne le connaissais pas ; mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et se reposer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit-Saint.§ 34 Et moi j’ai vu et j’ai rendu témoignage que celui-là est le Fils de Dieu. »
2. Chap. i, 35-51. Nouveau témoignage du Précurseur. Jésus et les cinq premiers disciples.
(Mat 4,18-22; Mrc 1,16-20; 3,13-19; Luc 5,1-11; 6,12-16; Act 1,13)
35 Le lendemain, Jean se trouvait encore là, avec deux de ses disciples. 36 Et ayant regardé Jésus qui passait, il dit : « Voici l’Agneau de Dieu. » 37 Les deux disciples l’entendirent parler, et ils suivirent Jésus. 38 Jésus s’étant retourné, et voyant qu’ils le suivaient, leur dit : « Que cherchez-vous ? » Ils lui répondirent : « Rabbi (ce qui signifie Maître), où demeures-tu ? »* 39 Il leur dit : « Venez et vous verrez. » Ils allèrent, et virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. Or, c’était environ la dixième heure.
40 Or, André, le frère de Simon-Pierre, était l’un des deux qui avaient entendu la parole de Jean, et qui avaient suivi Jésus. 41 Il rencontra d’abord son frère Simon, et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie (ce qui se traduit Christ). » 42 Et il l’amena à Jésus. Jésus, l’ayant regardé dit : « Toi, tu es Simon, fils de Jean ; tu seras appelé Céphas (ce qui se traduit Pierre). »
43 Le jour suivant, Jésus résolut d’aller en Galilée. Et il rencontra Philippe. Et Jésus lui dit : « Suis-moi. » 44 Philippe était de Bethsaïde, la ville d’André et de Pierre. 45 Philippe rencontra Nathanaël§ et lui dit : « Nous avons trouvé celui dont Moïse a écrit dans la Loi, ainsi que les Prophètes : c’est Jésus, fils de Joseph de Nazareth. » 46 Nathanaël lui répondit : « Peut-il sortir de Nazareth quelque chose de bon ? » Philippe lui dit : « Viens et vois. » 47 Jésus vit venir vers lui Nathanaël, et dit en parlant de lui : « Voici vraiment un Israélite, en qui il n’y a nul artifice. » 48 Nathanaël lui dit : « D’où me connais-tu ? » Jésus repartit et lui dit : « Avant que Philippe t’appelât, lorsque tu étais sous le figuier, je t’ai vu. » 49 Nathanaël lui répondit : « Rabbi, tu es le Fils de Dieu, tu es le Roi d’Israël. » 50 Jésus lui repartit : « Parce que je t’ai dit : Je t’ai vu sous le figuier, tu crois ! Tu verras de plus grandes choses que celle-là. » 51 Et il ajouta : « En vérité, en vérité, je vous le dis, vous verrez désormais le ciel ouvert, et les anges de Dieu montant et descendant sur le Fils de l’homme. »*
* 1:1 I, 1. Les versets 1-18 servent de prologue ou d’introduction au quatrième Évangile. — Ce prologue n’est pas en vers, mais il est composé d’après un certain rythme dans la coupure et l’agencement des membres de phrases, qui sera rendu plus sensible par la disposition typographique.Au commencement (Ἐν ἀρχῇ). Cf. Gen. i, 1.En Dieu, plus littéralement, vers Dieu, en grec : πρὸς τὸν θεόν, construction qui paraît exprimer l’activité ad intra et les relations personnelles du Verbe. 1:3 3. Les interprètes alexandrins, et plusieurs Pères Latins, entre autres S. Augustin et S Hilaire, mettaient un point après nihil, et traduisaient ainsi : Sans lui rien n’a été fait. Ce qui a été fait en lui (le Verbe), était vie. Quelques-uns traduisent ainsi cette dernière phrase (Quant à) ce qui a été fait en cela était la vie, c.‑à-d. la vie a paru dans le monde. Ici d’après les uns la vie sous toutes ses formes, selon d’autres et mieux la vie surnaturelle, puisqu’elle est identifiée à la lumière, à la vérité révélée (S. Augustin, Bossuet, Elevat. xii) 1:5 5. Le verbe peut se rendre : ne l’ont pas saisie, c.‑à-d. arrêtée, étouffée ; cf xii, 35. § 1:9 9. Vraie ici n’est pas opposée à fausse ; le mot grec (ἀληθινὸν) signifie originelle, absolue, essentielle, non empruntée à une autre, par opposition à la lumière empruntée. — En rapportant à la rigueur, ἐρχόμενον à ἄνθρωπον. On aurait comme la Vulgate : Il était la vraie lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde. * 1:12 12. (Rom. viii, 29 ; I Jean, iii, 1). 1:13 13. Au lieu de οἳ… ἐγεννήθησαν, qui... nati sunt, leçon de tous nos mss. grecs. Tertullien, S. Irénée ont lu le singulier ος… ἐγεννήθη, qui… natus est. Avec cette leçon le sens serait : à ceux qui croient au nom de celui qui non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu est né. Il ne s’agirait pas de la naissance spirituelle des chrétiens, mais de l’origine céleste du Verbe incarné. 1:14 14. Sa gloire litt. une gloire, une majesté telle que doit la posséder le vrai, l’unique Fils de Dieu. § 1:15 15. Vient. Vulg. doit venir. * 1:16 16. L’Évangéliste reprend la parole. Et, ou car, suivant une autre leçon. — Et, savoir. — Grâce sur grâce, c’est-à-dire une grande abondance de grâces. D’autres, grâce pour grâce : la grâce de la loi nouvelle à la place (ou à la suite) de celle de la loi ancienne. 1:17 16-17. Sur les mutuelles relations de la Loi et de la Grâce, voy. Rom. iii, 20 ; vii et viii ; Gal. iii, 19 ; iv, 1-19 ; II Cor. iii, 6 ; Hébr. ix, 26-28. 1:18 18. Malgré un certain nombre de mss. et de Pères qui ont : ὁ ⸂μονογενὴς θεὸς⸃, unigenitus Deus, il est préférable de garder la leçon plus commune ; ὁ ⸂μονογενὴς υἱὸς⸃, unigenitus Filius, qui du reste s’adapte mieux. § 1:23 23. Is. xl, 3. * 1:27 27. Telle est la leçon des meilleurs manuscrits grecs. D’autres manuscrits et la Vulgate ajoutent quelques mots : C’est lui qui doit venir après moi, qui a été fait plus grand que moi, et te ne suis, etc. 1:28 28. Au lieu de Béthanie on lit dans plusieurs manuscrits grecs Béthabara. 1:29 29. Allusion à la prophétie d’Isaïe (liii. 7), qui représente sous ces traits le serviteur de Dieu, le Messie. § 1:33 33. L’Évangéliste suppose connu ce qui est dit dans Marc, i, 10 ; Luc, iii, 22. * 1:38 38. Le texte reçu et plusieurs éditions partagent en deux le vers 38 : ce qui porte le nombre des versets du chapitre à 52 au lieu de 51. 1:39 39. La dixième heure. 4 heures après midi. 1:42 42. Matth. xvi, 17. Céphas, mot syriaque (Kéfâ) qui signifie pierre ou rocher. § 1:45 45. Nathanaël est un nom propre qui signifie don de Dieu. La plupart des commentateur identifient Nathanaël et l’apôtre S. Barthélémy. — Barthélémy (en araméen : fils de Tholmaï) serait le nom patronymique de Nathanaël. — Dans la Loi, Gen. xlix, 10 ; Deut. xviii, 15-18. * 1:51 51. Cf Gen. xxviii, 12.